Trois Rois
Citation de Robert Ollivier tirée du Guide « Vallée d’Aspe et versant espagnol » dans le chapitre Pic et Table des Trois Rois (page 100) : « D’après la tradition, les rois de Béarn, d’Aragon et de Navarre se rencontraient sur cette montagne, point de jonction de leurs trois royaumes, pour des « Conférences au sommet ». Nul doute que la sérénité des lieux et la beauté du spectacle ne leur aient inspiré de sages résolutions ».
Le traité de délimitation du 2 décembre 1856 signé à Bayonne, complété par la Convention additionnelle (document signé en 1858) définit la frontière franco-espagnole de la Bidassoa à la Table des Trois Rois (limite entre la Navarre et l’Aragon côté espagnol), le dernier numéro frontière étant le 272, au col d’Anaye. Ensuite, la frontière est définie dans le traité de délimitation du 14 avril 1862 (toujours signé à Bayonne), le premier numéro frontière de ce traité étant le 273, au col de Pétragème.
Imbroglio toponymique
Dans les documents français, il est le plus souvent question de la Table des Trois Rois (2421 m), et du pic des Trois Rois (2444 m). Sur la carte IGN 1/50000 édition 2009, le pic s’appelle Hiru Erregeen Gaina, avec entre parenthèses Pic des Trois Rois (Gaina signifie sommet, ou pic) !!
Les documents en espagnol appellent le pic « Mesa de los Tres Reyes » (mesa signifie table), et en basque, c’est « Hiru Erregeen Mahaia » (Hiru Erregeen : Trois Rois, Mahaia : table).
Quelle est la vraie dénomination ?
Sur le terrain, on constate que le sommet le plus haut est plutôt pointu, tandis que le voisin moins élevé présente un plateau sommital plat. Cela tendrait à rendre plus logique l’appellation française « pic et table ». C’est comme cela qu’on les appellera dans cet article.
Imbroglio cartographique
La frontière passe-t-elle par le pic ou par la table ?
Sur les cartes de l’IGN français au 1/25000, la frontière passe par la Table des Trois Rois sur les éditions de 1974, 1980 et 2005, ainsi que sur celle au 1/50000 édition de 2009. Ainsi, le pic des Trois Rois serait situé en Espagne.
Sur la carte ansó – hecho de l’Institut Cartogràfic de Catalunya, 1/50000 édition de 2001, la situation est confuse car il y a un mélange entre les sommets (interversion entre Table et Pic), et également un mélange entre les noms en français, basque et espagnol ! De plus, la frontière semble passer entre les deux ! Quelle « mesclagne », dirait-on en Béarn !!
Sur le Géoportail de l’IGN, la version présentée en 2023 montre une frontière passant par le pic. On aurait ainsi « gagné » le territoire entre pic et table, soit de l’ordre de 6ha (calcul rapide fait sur le Géoportail) !!
Robert Darrieumerlou donne sur son site Robert aux Bornes quelques compléments :
« La carte espagnole Editorial Alpina 1:25000 Parque Natural de los Valles Occidentales – Huesca – Pirineos Parque Nacional de los Pirineos – Francia édition 2006/.2007, réalisée d’après les données de l’IGN (Instituto Geográfico Nacional) espagnol, désigne par le nom de Mesa de los Tres Reyes (Hiru Erregeen Mahaia) avec la cote de 2448 mètres le pic des Trois Rois, situé à l’Ouest de l’avant sommet non nommé, et coté 2423 mètres et y fait passer la ligne frontière » et une dizaine d’années plus tard : « la carte de l’IGN (Instituto Geográfico Nacional) espagnol ne fait plus passer la frontière au sommet du Pico de los Tres Reyes coté 2446 mètres, mais elle la fait passer à la Mesa de los Tres Reyes Table des Trois Rois cotée 2421 mètres, »
Où est le vrai tracé ? Contacté par Robert Darrieumerlou, l’IGN français lui a donné comme réponse : « La ligne numérique frontière affichée à grande échelle sur le Géoportail a été validée conjointement par la France et par l’Espagne en 2015, elle est donc la première version bilatérale connue de la transcription des traités. » ce qui reste un peu vague…
Au final, cela est toujours un peu mystérieux, mais le fait que la frontière passe par le pic ou la table est-il vraiment si important, sachant que les lieux doivent être surtout fréquentés par les isards et les choucas ?
Point le plus haut de Navarre
Avec des 2444 m d’altitude, le pic des Trois Rois est le point culminant de la Navarre. Le pic d’Orhy (2017 m) est le point le plus haut du Pays Basque français ou Iparralde (Soule, Basse Navarre et Labourd), celui d’Euzkadi (Guipuzcoa, Alava, Biscaye) étant l’Aketegi (1551 m), situé sur la crête de l’Aizkorri en Guipuzcoa.
Le pic des Trois Rois est donc aussi le point culminant d’Euskal Herria, au sens des sept provinces.
On trouve à son sommet une statue, ainsi qu’une réplique métallique d’un château.
La statue représente Saint François Xavier, né à Javier, près de Pampelune, et connu pour avoir fondé à Paris la Compagnie de Jésus, avec Ignace de Loyola et d’autres compagnons. Il est mort en Asie où il a passé une bonne partie de sa vie comme missionnaire. Le château au sommet du pic des Trois Rois est une réplique du château de Javier. Une exposition permanente est consacrée à Saint François Xavier dans ce château.
Si vous voulez y aller
Tous les parcours pour gravir le pic des Trois Rois sont assez exigeants en termes de dénivelé.
La montée finale au pic nécessite d’escalader une cheminée peu difficile, mais où « il faut mettre les mains ».
L’un des parcours les plus classiques est en aller-retour depuis le refuge de Linza (pas loin de 1400 m de dénivelé). Trace GPS ici.
En partant côté Lescun, on peut partir d’Anapia et remonter le vallon de Lhurs. Névés persistants assez longtemps au fond du vallon, où une partie est assez délicate (qu’il y ait ou non de la neige). J’ai gravi le pic par là il y a longtemps, quand on n’utilisait pas de GPS (donc pas de trace). Le fond du vallon de Lhurs est barré par la face Est verticale de la Table des Trois Rois, où a été tracée en 1961 une voie d’escalade très difficile par les inévitables frères Ravier (Jean et Pierre), P. Bonnenfant, P. Mortier et M. Souverain
L’autre parcours classique est de partir du plateau de Sanchèse. On remonte le vallon d’Anaye jusqu’aux sources du Marmitou, où on quitte le GR qui va au col d’Anaye pour se diriger vers le col des Ourtets, puis les Trois Rois. Une partie de ce parcours est décrit avec la croix 272. Une belle option est de monter par Lhurs et redescendre par Anaye.
Autre possibilité côté Lescun : partir du pont Lamary et passer par le vallon et le col d’Escoueste.
Enfin, dans son livre « La montagne basque », Miguel Angulo décrit d’autres itinéraires au départ du refuge de Belagua, dont le parcours de la crête occidentale qui semble sympathique.